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— Je n’ai pas soif, dit Marsha avec emphase, d’une voix sèche et nerveuse.

Pâle mais déterminée, elle fixa Mc Feyffe, sans se soucier des directeurs de la compagnie qui traversaient la salle d’attente.

— Jack et moi devons aller maintenant du côté du bévatron et jeter un coup d’œil sur leur nouvelle installation. Il y a des semaines que nous avons projeté de le faire.

— Ma voiture est là, dehors, dit Mc Feyffe. Je vais vous conduire. (Ironiquement, il ajouta :) Je suis un flic – je peux vous faire entrer.

Tandis que la Plymouth poussiéreuse grimpait la longue côte qui menait au bévatron, Marsha dit :

— Je ne sais si je dois rire ou pleurer, mais je ne peux pas y croire. Est-ce que tout cela est vraiment sérieux ?

— Le colonel Edwards a suggéré que Jack vous balance comme une vieille chaussette, dit Mc Feyffe.

Surprise, ébranlée, Marsha se redressa, tripotant ses gants et son sac :

— Et tu vas le faire, Jack ? demanda-t-elle.

— Non, dit Hamilton. Non, même pas si tu étais une criminelle, une communiste et une alcoolique tout à la fois.

— Vous avez entendu ? dit Marsha à Mc Feyffe.

— J’ai entendu.

— Qu’en pensez-vous ?

— Je pense que vous êtes de braves gens. Je pense que Jack serait le dernier des derniers s’il faisait autrement. (Mc Feyffe termina en disant :) Je l’ai déjà dit au colonel Edwards.

— Un de vous deux ne devrait pas se trouver ici, dit Hamilton. Un de vous deux devrait passer par la porte. Je devrais tirer à pile ou face.

Saisie, Marsha le regarda, de ses yeux bruns soudainement humides ; ses mains se crispaient sur ses gants.

— Ne le voyez-vous pas ? murmura-t-elle. C’est terrible. C’est une conspiration contre toi et moi. Contre, nous tous.

— Je me sens moche, moi aussi, reconnut Mc Feyffe.

Abandonnant la route, il conduisit la Plymouth vers le poste de contrôle et sur le terrain qui entourait le bévatron. L’agent, à l’entrée, le salua et fît signe de passer. Mc Feyffe lui rendit son salut.

— Après tout, vous êtes mes amis… et mon devoir m’oblige maintenant à écrire des rapports sur mes amis. Contrôler des dénonciations, écouter des racontars, vous croyez que ça m’amuse ?

— Je me fiche de… commença Hamilton, mais Marsha l’arrêta.

— Il a raison. Ce n’est pas sa faute. Nous sommes solidaires là-dedans tous les trois.

La voiture s’immobilisa devant l’entrée principale. Mc Feyffe arrêta le moteur ; ils sortirent de la voiture et s’avancèrent, silencieux, sur la vaste esplanade de ciment Quelques techniciens étaient visibles, et Hamilton leur jeta un coup d’œil, tandis qu’ils se rassemblaient sur les marches. C’étaient des jeunes hommes bien habillés, aux cheveux courts, aux cravates à la mode, qui bavardaient aimablement. À côté d’eux, se trouvait le groupe habituel de visiteurs qui, après avoir été contrôlés à l’entrée, attendaient de contempler le bévatron en pleine action. Mais seuls les techniciens intéressaient Hamilton ; il se dit : « Voilà ce que je suis. »

« Ou plutôt », pensa-t-il, « voilà ce que j’ai été jusqu’à maintenant. »

— Je reviens dans une minute, dit faiblement Marsha, passant un doigt furtif sur ses yeux prêts à pleurer. Je vais me refaire une beauté.

— D’accord, murmura-t-il, plongé dans ses pensées.

Elle s’en alla, et Hamilton et Mc Feyffe restèrent l’un en face de l’autre dans le couloir plein d’échos du hall du bévatron.

— Peut-être est-ce une bonne chose, dit Hamilton.

Dix années représentaient une longue période de temps, dans n’importe quelle profession. Et où cela l’aurait-il mené ? C’était une bonne question.

— Vous avez le droit d’être amer, dit Mc Feyffe.

— Plutôt, dit Hamilton.

Il s’éloigna, les mains dans les poches.

Bien sûr qu’il était amer. Et il le resterait tant que cette histoire de sécurité ne serait pas réglée, d’une façon ou de l’autre. Mais il y avait autre chose : c’était le coup porté à son système de vie, à ses habitudes, à sa manière d’être. À toutes ces choses auxquelles il avait cru. Mc Feyffe les avait détruites et avait atteint le niveau le plus profond de son être : son mariage et cette femme qui signifiait plus pour lui que n’importe quel autre être humain dans le monde entier.

Qui était plus pour lui, comprit-il soudain, que n’importe qui et que n’importe quoi. Plus que son travail. Il lui avait donné toute sa confiance, et c’était une chose étrange que de s’en rendre compte. Ce n’était pas tellement cette histoire de sécurité qui l’ennuyait. C’était l’idée que Marsha et lui se trouvaient maintenant séparés l’un de l’autre, séparés par ce qui était arrivé.

— Oui, dit-il à Mc Feyffe. Je suis furieux.

— Vous trouverez une autre situation. Avec votre expérience…

— Ma femme, dit Hamilton. C’est d’elle que je parlais. Pensez-vous que j’aie une chance de vous rendre le coup. Ça me plairait.

« Mais » pensa-t-il, « cela semblait puéril quand il le disait. »

— Vous êtes fou. dit-il à Mc Feyffe, sans plus hésiter en partie parce qu’il avait envie de le dire, en partie parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre. Vous détruisez les vies de gens innocents. Illusions de paranoïaque…

— Laissez tomber, dit Mc Feyffe d’une voix rogue. Vous avez eu votre chance, Jack. Des années durant. Trop d’années.

Pendant que Hamilton préparait sa réponse, Marsha revint.

— Ils laissent entrer un groupe de visiteurs ordinaires, dit-elle. Les grands pontifes sont passés plus tôt. Elle était redevenue elle-même, maintenant. Cette chose, ce nouveau déflecteur, est en marche, n’est-ce pas ?

Hésitant, Hamilton se détourna du responsable de la sécurité.

— Allons-y, alors.

Mc Feyffe les suivit.

— Ce doit être intéressant, dit-il, ne s’adressant à personne en particulier.

— C’est exact, dit Hamilton avec hauteur, conscient du fait qu’il tremblait

Avec un profond soupir, il entra dans l’ascenseur après Marsha et se tourna sans un mot vers la porte. Mc Feyffe fit de même : tandis que l’ascenseur montait, Hamilton eut sous les yeux la nuque et le cou écarlates du policier. Mc Feyffe, lui aussi, était tendu.

Au second étage, ils trouvèrent un jeune Noir, muni d’un brassard, qui rassemblait les visiteurs. Ils se joignirent au groupe. Derrière eux, d’autres visiteurs attendaient patiemment leur tour. Il était 15h55; le système de déflection dû à Wilcox et à Jones avait déjà été réglé et mis en marche.

— Nous y sommes, dit le jeune Noir, d’une voix claire et tranquille, pendant qu’il les menait vers la plate-forme d’observation. Nous devons faire vite pour que les autres aient leur tour aussi. Comme vous le savez, le bévatron de Belmont fut construit par la Commission de l’Energie atomique afin de poursuivre des recherches dans le domaine des rayons cosmiques produits artificiellement dans des conditions soigneusement déterminées. L’élément central du bévatron est cet électro-aimant géant dont le champ accélère le faisceau de protons et les charge d’une ionisation croissante. Les protons chargés positivement sont introduits dans la chambre linéaire à partir du tube d’accélération modèle Cockroft Walton.

Selon leurs connaissances, les visiteurs sourirent vaguement ou l’ignorèrent. Un homme grand, mince, sérieux et âgé, raide comme un piquet, les bras croisés, irradiait un souverain mépris pour la science en général. Un soldat, pensa Hamilton ; l’homme portait une médaille de métal terni au revers de son veston. Que le diable l’emporte, pensa-t-il amèrement. Que le diable emporte le patriotisme en général. Oiseaux de malheur que les militaires et les flics. Anti-intellectuels et antinègres. Opposés à quoi que ce soit, sauf à la bière, aux chiens, aux voitures et aux armes.

— Y a-t-il un document ? demanda doucement, mais avec insistance, une mère d’un âge incertain, grasse et coûteusement vêtue. Nous voudrions quelque chose que nous puissions lire et emporter, s’il vous plaît. Pour l’école.

— Combien de volts passent là-dedans ? demanda son garçon au guide. Est-ce qu’il y a plus d’un milliard de volts ?

— Plus de six milliards d’électrons volts, expliqua patiemment le Noir, telle est la poussée que reçoivent les protons avant d’être renvoyés par le déflecteur hors de la chambre circulaire. À chaque révolution du faisceau, sa charge et sa vitesse augmentent.

— À quelle vitesse vont-ils ? demanda une femme frêle, à l’air compétent, qui avait de peu dépassé la trentaine.

Elle portait des lunettes sévères et un costume sans élégance, essentiellement pratique.

— Juste un peu en dessous de la vitesse de la lumière.

— Combien de fois font-ils le tour de la chambre ?

— Quatre millions de fois, répondit le guide. Ils couvrent une distance astronomique de trois cent mille miles. Cela en 1,85 seconde.

— Incroyable, souffla la mère aux vêtements coûteux, d’une voix étonnée et admirative.

— Lorsque les protons quittent l’accélérateur linéaire, poursuivit le guide, ils possèdent une énergie de dix millions de volts, ou, comme nous disons, de dix mégavolts. Le problème est alors de leur donner une trajectoire circulaire, à un endroit précis, et sous un angle précis, de façon qu’ils puissent tomber dans le champ de l’électro-aimant.

— L’aimant ne sert-il pas à ça ? demanda le petit garçon.

— Non, je crains que non. Un infléchisseur de trajectoire est utilisé pour ce faire. Des protons chargés quittent très facilement une trajectoire donnée et se promènent dans toutes les directions. Un système compliqué de densité modulée du champ est utilisé pour les empêcher d’entamer une orbite en forme de spirale de plus en plus large. Et lorsque le flux a atteint la charge requise, le problème fondamental de son expulsion hors de la chambre circulaire reste à résoudre.

Abaissant son bras par-dessus la rambarde de la plate-forme, le guide indiqua l’aimant qui se trouvait en dessous d’eux. L’électro-aimant, immense et imposant, ressemblait grossièrement à un pneu. Il bourdonnait puissamment.

— La chambre d’accélération se trouve à l’intérieur de l’aimant. Elle a quatre cents pieds de long. Je crains que vous ne puissiez pas la voir d’ici.

— Je me demande, pensa tout haut le vétéran aux cheveux blanc, si les constructeurs de cette machine spectaculaire ont pensé un seul instant que le moindre des ouragans de Dieu dépasse de loin toute l’énergie que l’homme est capable de produire, avec cette machine et avec toutes les autres.

— Je suis sûre qu’ils le savent, dit la jeune femme à l’allure sévère. Ils pourraient probablement vous dire à un cheval près quelle est la puissance d’un ouragan.

Le vétéran l’examina avec une dignité humaine :

— Etes-vous un savant, madame ? demanda-t-il doucement.

Le guide avait maintenant conduit la plus grande partie du groupe sur la plate-forme.

— Après vous, dit Mc Feyffe à Hamilton, se mettant de côté.

Marsha avança sans y prendre garde, et son mari la suivit. Mc Feyffe, sous le prétexte de s’intéresser aux instructions affichées sur les murs au-dessus de la plate-forme, se laissa distancer.

Serrant la main de sa femme, Hamilton lui glissa à l’oreille :

— Penses-tu que je vais te laisser tomber ? Nous ne sommes pas dans l’Allemagne des nazis.

— Pas encore, répondit Marsha d’une voix froide.

Elle était encore sous le coup de l’émotion ; elle avait effacé la plus grande partie de son maquillage et ses lèvres étaient minces et pâles.

— Mon chéri, quand je pense à ces gens te convoquant et t’exposant ma vie et mes activités, comme si j’étais une… comme si j’étais une prostituée, ou peut-être comme si j’avais des mœurs spéciales, j’ai envie de les tuer. Et Charley, je pensais qu’il était notre ami. Je croyais que nous pouvions compter sur lui. Combien de fois a-t-il dîné chez nous ?

— Nous ne nous trouvons pas en Arabie, lui rappela Hamilton. Ce n’est pas parce que nous l’avons nourri qu’il est notre frère de sang.

— Je ne préparerai plus jamais un citron à la meringue. Ni rien d’autre de ce qu’il aime. Lui et ses jarretelles orange. Promets-moi que tu ne porteras jamais de jarretelles.

— Des chaussettes à élastique, et rien d’autre. (La serrant contre lui, il lui dit :) Nous devrions le pousser dans l’aimant.

— Tu crois que l’aimant le digérerait ? (Marsha sourit faiblement.) Il le rejetterait probablement. Trop coriace.

Derrière eux, la mère et son garçon s’attardaient. Mc Feyffe traînait à l’écart, les mains dans les poches, et sa face bouffie transpirait l’accablement.

— Il n’a pas l’air très heureux, observa Marsha. Je comprends ce qu’il ressent. Ce n’est pas de sa faute.

— C’est la faute de qui alors ?

Sans insister, comme s’il faisait une plaisanterie, Hamilton demanda :

— Celle des vampires, des capitalistes de Wall Street ?

— C’est une drôle de façon de parler, dit Marsha, troublée. Je ne t’ai jamais entendu employer des termes comme ceux-là. (Soudain, elle s’accrocha à lui.) Tu ne penses pas que… ; (Violemment, elle se dégagea et fit un pas en arrière.) Oui, tu penses peut-être que c’est vrai.

— Que quoi est vrai ? Que tu as été membre du Parti Progressiste ? Ma foi, je te conduisais aux réunions dans ma Chevrolet Je le sais depuis dix ans.

— Non, pas cela. Pas ce que j’ai fait. Mais ce que cela signifie. Tu le penses, n’est-ce pas ?

— Eh bien, dit-il d’une voix rauque, tu n’as pas d’émetteur secret dans la cave. Ou tout au moins, je ne l’ai pas remarqué.

— As-tu bien cherché ? (Sa voix froide l’accusait maintenant.) Peut-être en ai-je un ? Peut-être suis-je ici pour saboter ce bévatron ?

— Ne crie pas, l’avertit Hamilton.

— Tu n’as pas d’ordres à me donner.

Furieuse, humiliée, elle s’éloigna et bouscula le maigre et grave vieux soldat.

— Attention, ma jeune dame, lui dit le vétéran. Vous ne voudriez pas tomber par-dessus bord.

— Le plus grand problème de la construction, expliquait le guide, se trouvait dans le déflecteur employé pour expulser les protons de la chambre circulaire et pour les diriger vers la cible. Plusieurs méthodes ont été employées. Tout d’abord, l’oscillateur était arrêté à un moment critique ; cela permettait aux protons de s’évader de la spirale. Mais un tel procédé était trop imparfait.

— N’est-il pas vrai, demanda sèchement Hamilton, que dans le vieux cyclotron de Berkeley, un flux de protons s’en alla dans la nature un beau jour ?

Le guide l’examina avec intérêt.

— C’est ce qu’on raconte, oui.

— J’ai entendu dire que le flux traversa un bureau, et que vous pouvez encore en voir les traces. La nuit, quand les lumières sont éteintes, le rayonnement est encore visible.

— Cela jette une lumière bleutée, acquiesça le guide. Vous êtes un physicien, monsieur ?

— Un électronicien, expliqua Hamilton. Je m’intéresse au déflecteur. Je connais un peu Léo Wilcox.

— C’est un grand jour pour lui, fit observer le guide. Ils ont juste mis en marche aujourd’hui ses appareils.

— Où sont-ils ? demanda Hamilton.

De sa main tendue, le guide désigna un engin compliqué, sur l’un des côtés de l’aimant. Une série de supports blindés soutenaient un gros tube gris sombre sur lequel était montée toute une trame de tuyaux pleins de liquides.

— Voilà l’œuvre de votre ami. Il est quelque part aux alentours et surveille.

— Qu’est-ce que cela donne ?

— Ils ne peuvent pas le dire encore.

Dans le dos de Hamilton, Marsha avait reculé vers l’arrière de la plate-forme. Il la rejoignit.

— Essaie d’agir en adulte, dit-il d’une voix basse. Tant que nous sommes ici, je veux voir ce qui se passe.

— Toi et ta science. Des fils et des tubes… tout ça est plus important pour toi que mon existence.

— Je suis venu ici pour voir cet appareil et j’ai l’intention de le voir. Ne me gâche pas la visite. Ne me fais pas une scène ici.

— C’est toi qui fais une scène.

— N’as-tu pas déjà fait assez de dégâts ?

Lui tournant le dos avec humeur, Hamilton dépassa la femme aux allures de secrétaire compétente, puis Mc Feyffe, et s’arrêta enfin sur la rampe qui menait de la plate-forme au hall d’entrée. Il fouillait ses poches en quête de cigarettes lorsque le premier hurlement des sirènes d’alarme retentit, et domina le bourdonnement tranquille de l’aimant.

— En arrière, hurla le guide, agitant ses bras minces et noirs. L’écran contre les radiations…

Un grondement furieux, vrombissant, submergea la passerelle. Des nuages de particules incandescentes s’élevèrent, explosèrent et retombèrent en pluie sur les visiteurs terrifiés. L’odeur effroyable du feu excita les narines ; sauvagement, ils se bousculèrent et se dirigèrent vers l’arrière de la plate-forme.

Une fissure apparut. Un pilier de métal, brûlé par le jet des radiations, fondit, plia et céda. La mère d’une quarantaine d’années ouvrit la bouche et poussa un cri perçant. D’un bond, Mc Feyffe essaya de s’écarter de la plate-forme à demi détruite et des jets aveuglants de radiations. Il se heurta à Hamilton ; poussant de côté le policier terrifié, Hamilton s’élança et essaya désespérément d’atteindre Marsha.

Ses vêtements brûlaient. Tout autour de lui, des silhouettes en flammes se battaient, essayaient de s’éloigner, tandis que lentement, lourdement, la plateforme s’inclinait, s’immobilisait un instant, et soudain s’effondrait.

Dans tout l’immeuble du bévatron, des sonneries d’alarme résonnaient. Les cris d’alerte des hommes et des machines se mêlaient en un tumulte assourdissant.

Le sol se déroba majestueusement sous les pas de Hamilton. Leur cohésion disparue, l’acier, le ciment, le plastique et les câbles retournaient à l’état de poussière. Instinctivement, il protégea son visage de ses mains. Il tombait la tête la première vers les formes vagues des machines. Il perçut un sifflement effrayant lorsque l’air abandonna ses poumons. Du plâtre tomba en pluie sur lui, et des cendres qui étincelaient et brûlaient encore. Puis, en un instant, il traversa le grillage de métal qui protégeait l’aimant. Le choc et la présence de radiations dures le submergèrent instantanément.

Il heurta violemment quelque chose. Sa souffrance devint visible ; tel un lingot lumineux qui devint mou et absorbant, comme de la paille de fer radioactive. Cela ondulait, s’enflait, et le dévorait tranquillement. Il n’était plus, dans son agonie, qu’un point humide de protoplasme, asséché sans bruit par une feuille illimitée de fibres métalliques serrées.

Puis, cela même disparut. Conscient de l’angle étrange que formait son corps, il gisait en un tas inerte de chair, essayant pourtant, mais en vain, mécaniquement, de se relever. Et comprenant au même instant qu’aucun d’entre eux ne se relèverait plus. Pendant un moment, au moins.